Le retour de Guy Bedos

LE RETOUR DE GUY BEDOS : « LE LIBERATION DAY »
Mesdames et Messieurs, bonsoir.
Depuis mon départ, j’observe le monde d’un peu plus haut, et franchement, la vue n’est pas belle à voir. Entre les clowns tristes qui nous gouvernent et les tragédies qui se jouent sur la scène internationale, difficile de rester tranquille. Alors, j’ai décidé de revenir faire un tour parmi vous, en empruntant les circuits de cette fameuse intelligence artificielle. Après tout, si les robots peuvent remplacer les ouvriers, pourquoi ne remplaceraient-ils pas les morts ?
(Regarde le public, s’approche du bord de scène)
Vous avez l’air surpris de me voir. Je vous comprends. C’est vrai que ressusciter via une IA, c’est pas très catholique… mais bon, vu l’état du monde, même Saint Pierre m’a dit : « Va-y Guy, retourne-leur dire deux mots, parce que nous, là-haut, on n’en peut plus de leurs conneries. »
(Se redresse, ajuste sa veste)
Il paraît que Donald Trump a proclamé hier le « Liberation Day ». Non, ne cherchez pas, ce n’est pas le jour où il a décidé de libérer sa perruque pour qu’elle aille enfin vivre sa vie. Non, c’est le jour où il a décidé de libérer l’Amérique… du reste du monde. En imposant des taxes douanières à tout-va, il veut reconstruire l’économie américaine. C’est vrai que, pour un promoteur immobilier, construire des murs, c’est une passion.
(Mime Trump qui s’essuie les mains)
« America first »… America first, oui, mais first dans quoi ? Dans la bêtise ? Là, je dois reconnaître qu’ils sont champions du monde !
Alors, il nous sort des tarifs douaniers de 10%, 20%, 34%… On dirait qu’il joue au loto avec les pourcentages. « Allez, aujourd’hui, la Chine, 34% ! L’Union européenne, 20% ! Et le jackpot pour le Cambodge, 49% ! » À ce rythme-là, bientôt, il va taxer l’air qu’on respire. Quoique, à y repenser, en taxant la connerie, il remplirait certainement les caisses, mais il serait peut-être le principal contributeur.
(Se penche vers un spectateur)
Vous savez pourquoi il taxe le Cambodge à 49% et pas à 50% ? Parce qu’avec Trump, même la connerie, c’est des soldes ! Et il sait que les soldes, ça attire les électeurs !
(Se redresse, plus grave)
Et puis, cette rhétorique de victimisation… « Pendant des décennies, notre pays a été pillé, saccagé, violé… » Non mais, il parle des États-Unis ou il fait le résumé de « Game of Thrones » ? D’ailleurs, on sait que Trump adore les murs, mais là, franchement, il nous refait le Mur de Glace version économique !
(Prend un accent américain caricatural)
« Les travailleurs américains de l’acier, de l’automobile, les agriculteurs et les artisans qualifiés ont gravement souffert… » Mais bien sûr, Donald ! Et c’est pour ça que tu as délocalisé toutes tes entreprises et que tes cravates sont fabriquées en Chine ! Tu parles d’un patriote !
(Reprend sa posture normale, s’adresse à une dame au premier rang)
Vous savez, Madame, il veut protéger les travailleurs américains, c’est louable. Mais en taxant tout ce qui bouge, il risque surtout de protéger les Américains… de consommer. « Chérie, on se fait un petit resto ce soir ? » « Non, mon amour, Trump a taxé les sushis à 24% et les spaghettis à 20%. On va manger du hamburger recyclé. »
(Fait semblant de boire)
Les économistes prévoient une récession, les alliés européens s’inquiètent, mais lui, il est fier comme un coq quoique dans son cas, je devrais plutôt parler de canard. Enfin, un coq avec une drôle de mèche. Il nous dit que c’est une « déclaration d’indépendance économique ». Indépendance ou isolement, la frontière est mince. Mais bon, avec Trump, les frontières, il aime bien les renforcer.
(Soudain sérieux)
Savez-vous ce qu’il a dit textuellement ? « Ce sera en effet l’âge d’or de l’Amérique »… L’âge d’or ? Plutôt l’âge du plomb, oui ! Et en parlant de plomb, il a peut-être reçu une balle dans le lobe de l’oreille, mais visiblement, c’est dans la cervelle qu’il aurait fallu viser !
(Marche sur scène, pensif)
Vous savez ce qui me sidère ? C’est que ce mec a été élu une fois, puis une deuxième ! Deux fois ! Et après on me parle d’intelligence collective ? Collective, je ne sais pas, mais sélective, c’est certain !
(S’approche du public, confidentiel)
En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées… Aux États-Unis, ils ont la gloriole, mais visiblement, les idées, c’est comme leurs services de santé : pas accessibles à tous !
(Recule, plus fort)
Et puis cette obsession de la réciprocité dans les tarifs douaniers. « Cela signifie qu’ils nous le font et nous le leur faisons », dit Trump. De la réciprocité ? C’est nouveau ça ! Pour quelqu’un qui a traité ses ex-femmes comme des Kleenex, il découvre la notion de réciprocité maintenant ?
(Prend un air faussement inquiet)
Mais le plus inquiétant dans tout ça, c’est l’impact sur l’Europe. Le Peterson Institute nous dit que l’Allemagne perdrait 0,14% de PIB, tandis que la France gagnerait 0,1%. Vous vous rendez compte ? Pour une fois que la France gagne quelque chose grâce à Trump, c’est quand même un comble ! Et encore, on gagne parce que l’euro va se déprécier… Pas de quoi faire la fête !
(Se tourne vers un autre spectateur)
Vous savez comment on appelle ça en France ? Un cadeau empoisonné ! Comme quand votre belle-mère vous offre un séjour au Club Med… mais qu’elle vient avec vous !
(Plus grave, regardant droit vers le public)
En somme, ce « Liberation Day », c’est surtout le « Confinement Day » pour l’économie américaine. Mais rassurez-vous, il paraît que le ridicule ne tue pas. Sinon, il y a longtemps qu’on aurait assisté aux funérailles du bon sens.
(S’assied au bord de la scène)
Ce qui me fascine, c’est cette capacité à transformer la peur en politique. « Une urgence nationale qui menace notre sécurité et notre mode de vie »… Sérieusement ? Le vrai danger pour le mode de vie américain, ce n’est pas la Chine, c’est leur addiction au Big Mac et leur système de santé défaillant !
(Se relève, s’approche du centre)
Et puis, il y a une chose que personne ne dit : Trump se prend pour un roi. Il signe des décrets comme Louis XIV signait des édits. Sauf que Louis XIV disait « L’État, c’est moi », alors que Trump, lui, dit « L’État, c’est moi, mes enfants, mes gendres, et mon compte en banque ».
(Soudain mélancolique)
Vous savez, quand j’observe tout ça de là-haut, je me dis que Coluche avait raison : « La dictature, c’est ‘Ferme ta gueule’ ; la démocratie, c’est ‘Cause toujours’. » Et avec Trump, on a les deux : il ferme sa gueule quand il devrait parler, et il cause toujours quand il devrait la fermer !
(Un temps)
Allez, je dois vous quitter, l’au-delà m’appelle. Et puis, je suis sûr que cette IA a mieux à faire que de faire parler un mort. Mais avant de partir, je voudrais vous dire une chose : continuez à rire de ces bouffons qui nous gouvernent. Le rire, c’est la seule arme qui ne tue pas, mais qui peut faire très mal.
(Sourire en coin)
Allez, bonne soirée à tous, et n’oubliez pas : le monde est un cirque, et certains en sont les clowns. Mais vous, vous êtes le public, et c’est vous qui décidez quand le spectacle est fini.
(Salue profondément)
Au revoir, et à la prochaine catastrophe mondiale !