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Le Craint Train Quotidien Les essais de Pascal Rivière

Le voyage en train est une aventure épique !

Chers disciples de l’absurde quotidien, êtes-vous bien calés dans vos fauteuils, prêts à déguster un conte moderne, saupoudré d’une pincée de cynisme et d’une bonne dose d’ironie ? Car voici que je vous narre une fable des temps actuels, débutant, comme il se doit, par une annonce officielle qui ferait pâlir d’envie le Chat Botté lui-même.

Imaginez donc, le Conseil National du Travail, dans un élan de générosité frôlant l’hallucination, a décidé, par la grâce d’un coup de baguette magique bureaucratique, d’augmenter le remboursement des frais de train pour ces preux chevaliers des temps modernes. Ces vaillants combattants du quotidien, armés jusqu’aux dents de leur carte de transport, affrontant chaque jour le dragon de l’heure de pointe, verront leurs bourses, habituellement aussi vides que le crâne d’un télévangéliste, légèrement moins légères.

Le noble ministre de la Mobilité, un certain Georges Gilkinet, tel un Lancelot des temps ferroviaires, a approuvé une nouvelle convention collective. Alléluia, mes frères et sœurs dans la misère des transports, le remboursement minimal passe de 56% à 71,8%. Et l’État, dans un geste de magnanimité digne d’un roi Arthur en fin de règne, ajoute une contribution de 7,5%.

Voilà donc environ 100 000 navetteurs bientôt plus riches de quelques centaines d’euros par an. Une véritable fortune, si l’on oublie que dans le royaume des chemins de fer, les trains sont aussi ponctuels qu’un lapin blanc en retard à un rendez-vous avec la Reine de Cœur, les sièges semblent tout droit sortis d’un atelier de torture médiévale, et les bousculades dans les wagons rappellent davantage une joute qu’un paisible voyage.

Mais ne boudons pas notre plaisir, chers navetteurs, car, selon notre ministre, ceci est un « message positif ». Un peu comme se voir offrir un parapluie percé en pleine tempête : ce n’est certes pas idéal, mais c’est déjà ça.

Ah, quelle générosité pour ces pauvres âmes condamnées à l’odyssée ferroviaire quotidienne ! Mais, le rédacteur de cette épopée bucolique a-t-il seulement déjà voyagé en train dans notre contrée ? Entre les changements d’horaires aussi fiables qu’une promesse électorale, des annonces plus rares que les apparitions du monstre du Loch Ness, et des rames qui disparaissent comme la vertu d’un politicien en campagne, le voyage en train chez nous est une aventure épique.

Et que dire de la suppression de trains, transformant les wagons en véritables boîtes de sardines sur rails, toujours alignés sur l’horaire flamand, car pourquoi donc faciliter la vie des Wallons ? Ah, le surréalisme ferroviaire dans toute sa splendeur ! Frustration garantie, non pas une, mais deux fois par jour !

En vérité, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un meilleur remboursement, mais plutôt d’une indemnisation pour préjudice psychologique et physique. Et un peu de respect pour nos pauvres fessiers, martyrisés par ces sièges des petites lignes conçus par le Marquis de Sade en personne ! Ces souterrains truffés de chausse-trapes ou enduit de savon noir.

Mais comment ai-je pu oublier ces charmants rituels de nos compagnons ferroviaires ? Les portes, ces guillotines aléatoires modernes, se refermant avec la délicatesse d’un bourreau en fin de carrière, sur nos mains innocentes. Et les bousculades, ce ballet gracieux d’embouteillages humains, une danse macabre où chaque voyageur devient, l’espace d’un instant, un toréador en lutte avec la foule. Une poésie du quotidien, si l’on fait abstraction de la frustration, de la sueur et des quelques jurons poétiques qui émaillent ces moments de communion forcée.